Dans une lettre de prison publiée lundi par l'hebdomadaire russe New Times, Maria Alekhina, une des deux
jeunes chanteuses du groupe Pussy Riot condamnées à deux ans de camp, raconte son expérience de la vie dans la
"zone".
Maria Alekhina, 24 ans, décrit dans cette lettre ses premières semaines de détention dans la colonie pénitentiaire numéro
28, dans la région de Perm dans l'Oural, à un millier de kilomètres à l’est de Moscou. Elle y purge, avec Nadejda Tolokonnikova, détenue dans un autre camp en Mordovie, une peine de deux ans pour avoir chanté en février une "prière punk" anti-Poutine
dans la cathédrale de Moscou.
Ce récit n'en est pas un, mais "des mots pour décrire l'impossible", souligne d'emblée la jeune femme. La "zone", le mot
par lequel on évoque les camps en Russie depuis l'époque soviétique, est "entourée d'usines et de taïga" dans cette région reculée de l'Oural, raconte-t-elle, "on y respire des fumées
toxiques". "Tout est gris aux alentours, et même si quelque chose est d'une autre couleur, il y a toujours une nuance de gris dedans. Tout : les bâtiments, la nourriture, le ciel, les mots",
écrit encore la jeune femme, mère d'un enfant en bas âge. "C'est une anti-vie", conclut Alekhina.
Elle raconte la vie dans les quartiers de quarantaine où les détenues passent les premiers jours de leur peine, et où on
leur "apprend à s'habituer". Lever à 5h30, trois lavabos et deux toilettes pour 40 prisonnières, lecture imposée et quotidienne du règlement intérieur de la prison, passage conseillé par la
salle de prière, énumère la jeune femme. "Le moyen de pression est la libération anticipée", souligne-t-elle. Pour cela il faut "coudre 12 heures par jour pour 1 000 roubles
(25 euros) par mois, ne pas se plaindre, dénoncer et piéger (d'autres détenues), renoncer à ses derniers principes, se taire et endurer, s'habituer", explique encore la jeune femme.
Maria Alekhina et Nadejda Tolokonnikova ont été condamnées en août à deux ans de camp pour "hooliganisme" et "incitation
à la haine religieuse" après avoir chanté en février dans la cathédrale du Christ-Sauveur, à deux pas du Kremlin, une "prière punk" demandant à la Sainte Vierge de "chasser" le président
russe Vladimir Poutine du pouvoir. Ekaterina Samoutsevitch, la troisième punkette, avait été remise en liberté.