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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 20:34

Culture - le 22 Avril 2008

"L'adieu au laminaire Césaire" par Fernand Nouvet

Notre collègue et ami Fernand Nouvet vient de nous quitter. À cette occasion, nous republions un de ses derniers reportages en Martinique, sa terre natale, lors des obsèques d'Aimé Césaire en avril 2008.

«Les spécialistes des questions martiniquaises, ce sont des Martiniquais », a dit Pierre Aliker en concluant son adieu à Aimé Césaire. De six ans plus âgé que son grand ami, Pierre Aliker, 100 ans, est un exemple de longévité. Même s'il a, quelquefois sous l'effet de l'émotion, perdu le fil de son discours, s'il a, de temps en temps buté sur des mots, on ne pouvait qu'admirer sa prestation. Et le soutien affectueux, à un certain moment, du maire de Fort-de-France, Serge Letchimy, n'a fait qu'ajouter un plus à l'actif du prestigieux personnage.

On cherchait à toucher les vitres

Qui aurait pu dire qu'un jour une foule entendrait monter dans l'air la poésie de Césaire ? Les mots, phrases, ou pensées du poète, réputés difficiles, se sont élevés dans les airs du stade Pierre-Aliker. Ils étaient déclamés en hommage au chantre de la négritude, au ciseleur de la Tragédie du roi Christophe, de Et les chiens se taisaient, Une saison au Congo, Une tempête, par Daniel Maximin, Jacques Martial, Aliou Cissé... Les voix montaient. Et la foule, dans les gradins, applaudissait des choses évidentes que le poète, par l'entremise d'autres artistes, disait à la foule. Puis tout s'est terminé. Et soudain le son de la conque de lambi est monté.

« Bélia mi Cézè ! ». Les voix aussi sont montées et dans les gradins la foule était debout. Il était alors près de 16 heures quand commença la levée du corps avant le départ pour le cimetière. Se frayant un chemin dans la foule massée le long des trottoirs, le fourgon mortuaire a pris la route, entraînant derrière lui ce public qui ne voulait pas abandonner son « papa Cézè » et qui pendant deux kilomètres cherchait à toucher les vitres. Petit à petit un imposant cortège s'est formé en direction du cimetière La Joyau de la Maynard où, vers dix-neuf heures, a été inhumé dans le caveau familial Aimé Césaire. Parmi ceux qui accompagnaient, à pied, le cercueil du poète, certains avaient enlevé leurs chaussures pour mieux suivre pendant que d'autres cachaient de vieilles douleurs et se promettaient de tenir, coûte que coûte.

Vivant dans le coeur des Martiniquais

Plus tôt dans la journée, des délégations venues d'Afrique et de plusieurs pays de la Caraïbe étaient arrivées. Et des associations. Telle l'Association des descendants d'esclaves noirs. Et les délégations des différentes communes de la Martinique. Chaque présence annoncée provoquait des réactions du public. À l'applaudimètre, le compagnon de route d'Aimé Césaire, Pierre Aliker récolta le plus d'applaudissements. Suivi par Ségolène Royal, puis par le footballeur Lilian Thuram. Une importante délégation du PS était présente, avec Laurent Fabius, Pierre Mauroy et Lionel Jospin. La délégation du Parti communiste français était conduite par Francis Parny, vice-président du conseil régional d'Île-de-France en charge des questions de culture et membre de l'exécutif du parti, et du député André Chassaigne. On remarquait aussi la présence du président de France Télévisions, Patrick de Carolis, l'ancien ministre Léon Bertrand, Yves Jego, ministre de l'Outre-Mer...

L'arrivée de Nicolas Sarkozy, accompagné de la secrétaire d'État Rama Yade, quelques instants avant le début du discours d'adieu de Pierre Aliker, n'a guère suscité d'enthousiasme. Peut-être est pour cela que le président français semblait tellement agacé et nerveux durant tout le temps que dura la cérémonie. Avoir fait huit mille kilomètres pour rester un petit moment à côté du cercueil d'un homme qui le dépassait, sans autre responsabilité que de présider la minute de silence avant de repartir à l'aéroport, n'a pas dû flatter son ego. Toujours est-il que pas un mot, adressé au public, n'est sorti de la bouche du président français. La mort d'Aimé Césaire semble donner encore plus de force à la puissance autonomiste du Parti progressiste martiniquais (PPM) du disparu. L'après-Césaire a commencé. Mais le souvenir de ce grand homme restera toujours vivant dans le coeur des Martiniquais, et, au-delà, de tous ceux pour qui la barbarie de l'homme sur l'homme doit être combattue.

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