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15 juin 2011 3 15 /06 /juin /2011 18:23

Euro 2012 : la Pologne organise, la Chine construit

par Clotilde de Gastines - 07 Juin 2011

 

La Pologne et l'Ukraine s'apprêtent à recevoir l'Euro de football en 2012. À un an de l'échéance, le chantier du stade national à Varsovie où fourmillent 3000 ouvriers est proche de la cessation de paiement. Quant aux travaux de construction du tronçon de 50 km de l'autoroute entre Varsovie et Łódź, ils sont suspendus.

 

 

Varsovie

Le groupe chinois COVEC (China Overseas Engeneering Group) « n'arrive plus à payer ses sous-traitants polonais. Du coup, ils se sont mis en grève, raconte Andrzej Adamczyk de Solidarnosc. Ce n'est pas étonnant, car Covec a remporté l'appel d'offre du chantier autoroutier en cassant les prix. Au départ, l'entreprise voulait faire venir son matériel de Chine, mais a dû finalement s'approvisionner en Pologne. Covec a recruté des Polonais, qui lui coûtait trop cher, donc il a fait venir entre 500 et 800 Chinois ».

 

Ces chantiers sont les premiers à être menés par des grands groupes de BTP chinois en Europe. Mais depuis que l'Euro 2012 leur a été attribué, l'Ukraine et la Pologne ont déjà largement fait appel à la main d'œuvre asiatique. « En 2006, le ministère du travail polonais a même ouvert un bureau de recrutement au Vietnam, explique Pierre Coutaz de la CGT. C'était pour compenser la pénurie de main d'œuvre après l'émigration massive de 1,9 million de Polonais et 6 millions d'Ukrainiens vers l'Europe occidentale.  Les gouvernements ont fait venir des travailleurs chinois et vietnamiens, qui sont bien moins chers que la main d'œuvre locale ».

 

Ces migrations professionnelles sont liées aux anciennes amitiés entre pays socialistes, et des accords bilatéraux régulent l'octroi de contrats temporaires et de permis de séjour. Les conditions de travail et de rémunération sont supposées être celles des travailleurs détachés : le salaire minimum.

 

Montée des antagonismes

Avec la crise de 2008, les Polonais travaillant à l'étranger ne sont pas rentrés dans leur pays d'origine, même si la récession y était quasiment nulle, du moins sur le papier. En effet, le chômage a peu progressé, car une majorité des immigrés sont transparents à la statistique. « De fait, les chantiers de commande publique pour l'Euro 2012 ont continué, ceux de commande privée se sont arrêtés, précise Pierre Coutaz. La main d'œuvre nationale s'est réveillée et reconcentrée sur les chantiers en commande publique. Les Chinois et les Vietnamiens ont été licenciés sans que les États de destination puissent leur payer leur billet-retour (ou sans qu'ils cherchent à rentrer). Ce qui a mené à une forte détérioration sociale ».

 

Les syndicats polonais ne s'en préoccupent pas beaucoup, notamment parce que les travailleurs étrangers sont « isolés, peu visibles, justifie Andrzej Adamczyk. Nous avons fait une petite campagne de syndicalisation, mais c'est très difficile, car le taux général de syndicalisation est de toute façon très bas en Pologne. Et ces travailleurs viennent en CDD et repartent aussi sec ».

 

Dans la population, un racisme ambiant commence à stigmatiser les Chinois et les Vietnamiens « alors qu'ils sont précarisés, victimes d'une forme de délocalisation par une mise en concurrence directe sur un même territoire, regrette Pierre Coutaz. Ils souffrent aussi du manque de considération que les gouvernements de ces pays ont accordé aux questions de l'immigration. Il s'en sont servis quand ils en avaient besoin et ne mettent en place aucun processus ni d'intégration, ni d'aide aujourd'hui. Cependant, les effets politiques sont moins visibles qu'en Finlande (où l'extrême-droite nationaliste vient d'obtenir 20% des suffrages), car la main d'œuvre en provenance de l'étranger n'exerce pas de pression démographique sur le marché du travail ».

 

Photo : Norbert Flammang - le chantier du Stade National de Varsovie, le 25 mai 2011

 

 

Repères

Avant la crise, beaucoup de travailleurs qualifiés notamment du BTP ont migré en masse vers l'Europe occidentale (Polonais, Roumains, Ukrainiens, Biélorusses et Moldaves)

 

Près de 6 millions d'Ukrainiens vivent à l'étranger. Beaucoup s'emploient dans l'agriculture en Espagne, en Italie et au Portugal. Le syndicat FPU conduit un projet en commun avec les syndicats italiens dans 10 régions ukrainiennes qui permet aux candidats à l'émigration d'apprendre des rudiments d'italiens et de se familiariser avec ce qui deviendra leur environnement de travail, d'un point de vue social, légal, culturel et économique.

 

En 2007, le Portugal a accueilli 100 000 immigrants ukrainiens illégaux, qui ont été régularisés par le gouvernement portugais afin pour réduire les effets de la crise économique que traversait le pays. Une fois légalisés, ces immigrants ont fait route vers l'Espagne, où ils se sont retrouvés en situation irrégulière.

 

La Moldavie est le pays le plus touché par l‘émigration vers l'Europe occidentale. Un tiers de sa population active est engagée à l'étranger (agriculture, bâtiment, trafic humain en Moldavie et en Albanie qui enferme des femmes dans des réseaux de prostitution)

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