Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 juin 2011 7 05 /06 /juin /2011 19:58

Modernisation du congé maternité

Par Annie David / 1er juin 2011

 

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le vote du Parlement européen, sinon pour souligner qu’il va au-delà de la proposition de la Commission européenne et de la volonté du Gouvernement, madame la ministre, lequel souhaitait en rester à un congé de maternité de dix-huit semaines.

 

S’il reste encore beaucoup à faire pour tendre vers une harmonisation par le haut des droits sociaux au sein de l’Union européenne, il s’agit, malgré tout, d’un pas important, dont je me réjouis. Une fois n’est pas coutume, la Commission européenne, confortée par le Parlement européen, a proposé une harmonisation non par le haut, certes, mais médiane, puisque la durée du congé de maternité varie de façon importante d’un État membre à l’autre, se situant dans la plupart des cas entre seize et vingt-cinq semaines et atteignant même vingt-huit semaines en Slovaquie. (Mme la ministre s’exclame.) Avec seize semaines de congé de maternité, la France figure donc parmi les pays les moins généreux sur ce plan !

 

D’ailleurs, pour allonger leur congé postnatal, certaines femmes s’appuient sur la loi du 5 mars 2007, qui leur permet de reporter trois semaines de leur congé prénatal au maximum. Or ce congé répond à des impératifs de santé publique, pour la mère comme pour l’enfant. La commission des affaires sociales du Sénat a d’ailleurs adopté, le 27 mai 2009, une proposition de résolution européenne portant sur ce sujet, devenue une résolution du Sénat le 15 juin suivant ; j’y reviendrai au cours de l’examen de l’article 1er.

 

La balle est donc dans le camp des gouvernements européens ; la France se doit d’être au rendez-vous, mais le débat de ce matin en commission ne me laisse que peu d’espoir à cet égard, madame la ministre, et m’a même mise très en colère : les femmes ne peuvent pas vouloir le beurre et l’argent du beurre, ai-je entendu dire ! De tels propos sont indignes de notre assemblée ! Il est terrible de devoir constater que, encore de nos jours, des hommes…

 

M. Ronan Kerdraon. Pas tous !

 

Mme Annie David. J’ai bien dit « des hommes », mon cher collègue !

 

… parce qu’ils ne savent pas ce que signifie, pour une femme qui travaille, porter un enfant et le mettre au monde, peuvent penser de la sorte ! De tels propos me mettent en colère, je le répète, de même, madame la ministre, que les arguments qui ont été invoqués par l’un de vos collègues lors du débat à l’Assemblée nationale et que vous avez repris ici : prétexter des contraintes budgétaires en évaluant le coût de la mesure à 1,3 milliard d’euros par an n’est pas recevable ! La santé des femmes et des enfants ne se négocie pas ; le sujet nous impose de prendre nos responsabilités. Je reprendrai à mon compte les mots de mon collègue député Roland Muzeau : « mieux vaut être restaurateur que femme enceinte » ! En effet, alors que le coût de la baisse de la TVA pour le secteur de la restauration a été assumé par l’État, celui de l’allongement du congé de maternité ne pourrait l’être ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.) Il s’agit ici d’une question de santé publique, qui vous impose de prendre vos responsabilités, madame la ministre !

 

D’ailleurs, un rapport récent émanant de la majorité se prononce en faveur d’un allongement du congé de maternité, au motif qu’il induit « un grand nombre d’effets bénéfiques tant il permet aux mamans d’établir un lien privilégié avec leurs enfants dans les premiers mois de la vie qui sont considérés par différents pédiatres comme déterminants pour l’enfant ».

 

J’ajoute qu’il ne faut pas se contenter de déplorer, comme vous l’avez fait tout à l’heure, madame la ministre, l’existence d’un frein à l’embauche ; il faut combattre cette situation.

 

Par ailleurs, avec un taux d’activité féminin de près de 80 %, l’accueil de la petite enfance est devenu un enjeu majeur pour la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Ainsi, dans un rapport adressé au Premier ministre, Michèle Tabarot estime que 25 % des parents qui se sont arrêtés de travailler pour garder leur enfant ont choisi cette solution par défaut. Le manque d’autres solutions pour la garde des enfants explique pourquoi, en trente-cinq ans, malgré l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, la part des emplois à temps partiel est passée de 13 % à 37 %. Or les trois quarts des femmes occupant de tels emplois souhaiteraient travailler à temps plein.

 

À nos yeux, la solution passe non pas par la création de jardins d’éveil ou par la diversification des structures d’accueil, mais par la mise en œuvre d’un véritable service public de la petite enfance, s’accompagnant d’une augmentation du nombre de places offertes : il en manque actuellement, selon les estimations, de 200 000 à 400 000. Le développement des moyens de garde n’est pas antinomique de l’allongement du congé de maternité, au contraire : l’un et l’autre sont nécessaires pour permettre aux femmes de mieux articuler activité professionnelle et vie familiale.

 

Quant au maintien intégral du salaire, proposé également par la Commission et le Parlement européens, nous sommes pleinement favorables à une telle mesure d’équité. Pour l’heure, le maintien intégral du salaire pendant le congé de maternité n’est nullement obligatoire, sauf si une convention collective ou un accord de branche le prévoit. De ce fait, les droits des femmes varient selon les secteurs d’activité.

 

En vue de parfaire la protection de la femme enceinte, le cas des femmes contraintes de s’arrêter de travailler bien avant le début du congé pour grossesse pathologique ou de maternité, pour des raisons de santé liées à leur état de grossesse, mérite d’être pris en compte. Cette période d’arrêt de travail étant assimilée à un arrêt pour maladie, elle est source d’inégalité ; j’y reviendrai lors de l’examen de l’article 1er.

 

Je souhaite également, à la suite de Mme la rapporteur, attirer l’attention sur la discrimination dont sont victimes les femmes affiliées au régime des intermittents du spectacle.

 

M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !

 

Mme Annie David. En effet, celles-ci se voient fréquemment refuser l’indemnisation de leur congé de maternité par la sécurité sociale, en raison de la discontinuité de leur emploi. Elles sont doublement pénalisées, car, n’ayant pas obtenu l’ouverture de leurs droits à la sécurité sociale, elles se voient également refuser le bénéfice de l’indemnisation au titre du chômage. Cette absence de protection sociale subie par une partie de nos concitoyennes est indigne de notre République. De nombreuses mères victimes de cette situation, regroupées au sein du collectif « Les Matermittentes », ont saisi la HALDE à ce sujet.

 

Avant de conclure, je souhaite évoquer l’extension proposée du congé de paternité, redéfini en congé d’accueil pour l’enfant, et son allongement à quatorze jours. Cette mesure nous semble aller dans le bon sens, mais il convient de veiller à ne pas porter atteinte à l’autorité parentale.

 

Enfin, nous souscrivons pleinement à l’article 5 de la proposition de loi, qui tend à créer des droits nouveaux pour les femmes exerçant une activité non salariée.

 

En définitive, ce texte répond à une nécessité. Quoi que vous en disiez, quoi que vous en pensiez, mes chers collègues, nous devrons aller plus loin encore ! En effet, si la France se classe au deuxième rang européen en matière de fécondité, avec 1,98 enfant par femme en 2009, c’est parce que la plupart de nos concitoyennes peuvent continuer à travailler en étant mères, même si ce n’est qu’à temps partiel. Toutes les mesures les aidant à concilier travail et famille et valorisant leur « double casquette » favorisent à la fois la présence des femmes sur le marché du travail et le maintien d’un taux de natalité élevé. Vous devriez leur faire bon accueil, plutôt que de crier haro sur les droits des femmes !

 

Mme Annie David. La stratégie de Lisbonne spécifie pourtant bien que tout doit être fait pour favoriser le travail des femmes !

 

En conclusion, je soulignerai, pour faire écho au récent débat sur les retraites, que si un taux de natalité élevé constitue bien sûr l’un des éléments clés pour préserver notre modèle par répartition, d’autres paramètres interviennent. Il convient également de revoir la place de la femme dans le monde du travail et de permettre qu’elle accède à un emploi stable, à temps plein si elle le souhaite, et dont la rémunération soit à la hauteur de celle qui est versée à un homme occupant le même poste. C’est ainsi que l’on combattra les inégalités en matière de pensions de retraite


Partager cet article
Repost0

commentaires