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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 20:09

Le poète

Avant je circulais dans la vie, un amour
douloureux m'entourait: avant je retenais
une petite page de quartz
en clouant les yeux sur la vie.
J'achetais un peu de bonté, je fréquentais
le marché de la jalousie, je respirais
les eaux les plus sourdes de l'envie,l'inhumaine
hostilité des masques et des êtres.
Le monde où je vivais était marécage marin:
le fleur brusquement, le lis tout à coup
me dévorait dans son frisson d'écume,
et là où je posais le pied mon coeur glissait
vers les dents de l'abîme.
Ainsi naquit ma poésie, à peine
arrachée aux orties, empoignée sur
la solitude comme un châtiment,
ou qui dans le jardin de l'impudeur en éloignait
sa fleur la plus secrète au point de l'enterrer.
Isolé donc comme l'eau noire
qui vit dans ses couloirs profonds,
de main en main, je coulais vers l'esseulement
de chacun, vers la haine quotidienne.
je sus qu'ils vivaient ainsi, en cachant
la moitié des être, comme des poissons
de l'océan le plus étrange, et j'aperçus 
la mort dans les boueuses immensités.
La mort qui ouvrait portes et chemins.
La Mort qui se faufilait dans les murs.

(extraits: Chant général, Les fleurs du Pinataqui, p.381
Gallimard, Collection Poésie.)

 
 
 
 

Tu ne ressembles à personne depuis que je t'aime.
Laisse-moi t'étendre parmi les guirlandes jaunes. 
Qui inscrit ton nom avec des lettres
de fumée parmi les étoiles du Sud ?
Ah laisse-moi me souvenir comment
tu étais alors, quand tu n'existais pas encore. [...] 
Maintenant, maintenant aussi, petite,
tu m'apportes du chèvrefeuille, 
et jusqu'à tes seins en sont parfumés.
Pendant que le vent triste galope en tuant des papillons 
moi je t'aime, et ma joie mord ta bouche de prune. 
Ce qu'il t'en aura coûté de t'habituer à moi, 
à mon âme esseulée et sauvage, à mon nom que tous chassent. 
Tant de fois nous avons vu s'embraser 
l'étoile du Berger en nous baisant les yeux 
et sur nos têtes se détordre
les crépuscules en éventails tournants. 
Mes paroles ont plu sur toi en te caressant.
Depuis longtemps j'ai aimé ton corps 
de nacre ensoleillée. 
Je te crois même reine de l'univers. 
Je t'apporterai des fleurs joyeuses 
des montagnes, des copihues, 
des noisettes foncées, et des paniers 
sylvestres de baisers. 
Je veux faire avec toi 
ce que le printemps fait avec 
les cerisiers.

(extrait, L'AMOUR EN RIME)

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