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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 12:09

16 mars 2011

L’effort de mémoire espagnol

Par FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ

Docu . José Luis Peñafuerte se lance sur la trace des disparus de la période franquiste.

Extrait du documentaire. - DR

La belle affiche du film montre, en coupe longitudinale, une route paisible de campagne et, dans son sous-sol, une tête de mort. Film d’horreur ? Presque : les Chemins de la mémoire exhume les victimes de la guerre civile espagnole (1936-1939), responsables ou militants de gauche (ou soupçonnés tels) sommairement exécutés et qui, depuis, gisent dans des fosses communes. L’Espagne ne s’y intéresse que depuis quelques années. Pourquoi si tard, alors que la majorité des témoins a disparu ? Parce qu’en 1977 le monde politique, communistes compris, a pensé que la condition d’une transition pacifique du franquisme vers la démocratie était le silence sur le passé. Il a fallu attendre le retour d’un gouvernement socialiste et une loi sur la Mémoire historique, en 2007, pour réhabiliter les vaincus et permettre l’ouverture des sépultures anonymes. Une décision que la droite et l’Eglise qualifient de «revancharde» : vous avez perdu la guerre, maintenant vous voulez vous venger…

Le film de José Luis Peñafuerte, fils d’exilés espagnols né et élevé en Belgique, débute dans le site de La Andaya, près de Burgos, où ont été retrouvés 85 corps. Sous les instruments des archéologues apparaissent des ossements, mêlés aux douilles de balles et aux objets que les victimes gardaient dans leurs poches : un peigne, une cuillère. 130 000 corps reposeraient dans ces fosses, dont beaucoup restent à localiser. Les récits de témoins émaillent le film : le poète Marcos Ana, emprisonné à 19 ans, libéré à 42 ans (1), parle de la féroce répression contre les perdants (qui fit plus de morts que les combats) et évoque «les mères des prisonniers accrochées comme des sangsues aux murs des prisons». Jorge Semprun, scénariste pour Joseph Losey et Alain Resnais et ancien ministre, retrace le sort de ceux qui se réfugièrent en France : Vichy veut les rendre à Franco qui n’en veut pas, ils finissent à Buchenwald ou à Mauthausen.

Dans ce film sobre et nécessaire, le passé et l’Espagne d’aujourd’hui se rejoignent souvent. Avec, par exemple, une rencontre entre Natividad Gonzalo, dont les deux parents sont tués en 1936, et une classe de lycéens. A son récit de «fille de rouges» qui immigre en Belgique où elle «découvre la liberté», un élève équatorien confronte sa propre expérience de l’exil.

(1) Ses mémoires viennent d’être traduits en français : Dites-moi à quoi ressemble un arbre ! Mémoires de prison et de vie, Aden Éditions, Bruxelles, 2010.

Les Chemins de la mémoire documentaire de José Luis Peñafuerte. 1 h 32.
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