Mot Parmi moi de moi-même à moi-même hors toute constellation en mes mains serré seulement le rare hoquet d’un ultime spasme délirant vibre mot j’aurai chance hors du labyrinthe plus long plus large vibre en ondes de plus en plus serrées en lasso où me prendre en corde où me pendre et que me clouent toutes les flèches et leur curare le plus amer au beau poteau – mitan de très fraîches étoiles vibre vibre essence même de l’ombre en ailes en gosier c’est à force de périr le mot nègre sorti tout armé du hurlement d’une fleur vénéneuse le mot nègre tout pouacre de parasites le mot nègre tout plein de brigands qui rôdent de mères qui crient d’enfants qui pleurent |
le mot nègre un grésillement de chairs qui brûlent acre et de corne le mot nègre comme le soleil qui saigne de la griffe sur le trottoir des nuages le mot nègre comme le dernier rire vêlé de l’innocence entre les crocs du tigre et comme le soleil est un claquement de balles et comme le mot nuit un taffetas qu’on déchire le mot nègre dru savez-vous du tonnerre d’un été que s’arrogent des libertés incrédules
Aimé Césaire Cadastre, Ed,Le Seuil, 1961
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