Crise: ceux qui trinquent
Laurent Jeanneau | Alternatives Economiques n° 290 - avril 2010
La crise est une bombe à retardement qui n'a pas encore montré tous ses effets sur l'emploi et le niveau de vie des ménages.
Le recul de l'emploi a poussé des centaines de milliers de personnes dans le chômage et entamé d'autant leurs revenus. Si le pire a sans doute été évité, la partie est loin d'être terminée: il y a tout lieu de penser que la situation du marché du travail n'est pas prête de s'arranger. Mais ceux qui trinquent le plus souffrent souvent d'un manque de visibilité. Particulièrement les salariés précaires: frappés de plein fouet par le retournement d'activité, ils ont peu d'influence sur le débat public. Quant aux jeunes, eux aussi sont particulièrement touchés par la crise, mais comme leurs difficultés ne datent pas d'hier, on risque de sous-estimer les épreuves qu'ils rencontrent à présent. Peu visibles, les perdants de la crise le sont également dans les statistiques. Les données disponibles restent lacunaires. C'est le cas de celles qui concernent la pauvreté: les derniers chiffres officiels remontent à 2007! Sans baromètre, les politiques publiques avancent à l'aveugle. Et le gouvernement ne prend manifestement pas la mesure des dégâts sociaux causés par la crise. Pourtant, celle-ci est une bombe sociale à retardement. Les répercussions d'une récession sur l'emploi se font toujours sentir avec un certain décalage. De même, il existe un délai entre l'augmentation du chômage et la hausse du nombre de bénéficiaires des minima sociaux. Ce n'est qu'une fois leurs droits épuisés que les chômeurs basculent dans le revenu de solidarité active (RSA). Or, plus la crise dure, plus leur situation va devenir critique. Il est donc urgent de réagir face à cette réplique sociale du choc qui secoue l'économie. Sans nouvelles mesures de solidarité, c'est la cohésion de la société dans son ensemble qui va être encore plus ébranlée. L'enjeu est aussi économique: si les Français ont le sentiment que personne ne vient à leur secours alors que le chômage monte et que la précarité s'étend, ils risquent de se mettre à épargner encore plus et de casser définitivement la timide reprise.
La bombe sociale
Laurent Jeanneau | Alternatives Economiques n° 290 - avril 2010
Taux de chômage trimestriel au sens du BIT, de 2002 à 2009
Pour aller plus loin
Chômage, baisse des revenus, pauvreté…, tous les Français ne sont pas logés à la même enseigne. Jeunes, peu qualifiés et précaires sont en première ligne.
Les conséquences sociales de la crise se diffusent surtout à travers les failles du marché du travail. Perdre son emploi, c'est perdre les revenus d'activité qui lui étaient associés. Et même si le système de protection sociale français prévoit des filets de sécurité, ces revenus de remplacement ne permettent pas de garder le même niveau de vie. Sans compter qu'ils ne sont pas éternels. Or, depuis le début de la crise, 600 000 emplois ont été détruits, principalement dans l'industrie, même si la construction et les services ont également été touchés.
Comment redistribuer la richesse?
Denis Clerc | Alternatives Economiques n° 290 - avril 2010
Pour éviter que les plus fragiles paient l'addition de la crise, un nouvel effort
redistributif est nécessaire. Et pas impossible.
Les victimes de la crise se comptent par centaines de milliers en France. Pour certains, il ne s'agit que d'une situation transitoire, dont on peut raisonnablement espérer qu'elle prendra fin avec le retour de la croissance. Mais, en attendant, comment éviter de payer l'addition d'une crise dont on n'est en rien responsable? Et que faire pour ceux auxquels la vie ne faisait pas de cadeaux avant même 2008 et qui disposaient d'un niveau de vie inférieur ou proche du seuil de pauvreté (1)? |