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21 décembre 2010 2 21 /12 /décembre /2010 18:59

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Une jeunesse déclassée
le 17 décembre 2010
L’emploi qualifié continue de se développer, mais le déclassement des générations qui arrivent sur le marché de l’emploi n’est pas un fantasme. Une analyse de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, extraite du hors série "Générations", du magazine Alternatives Economiques.




Les jeunes générations sont-elles "déclassées" ? Vont-elles connaître un destin social moins favorable que leurs aînées ? La récession a relancé le débat. La réponse dépend des instruments de mesure utilisés. Sur la durée, nos sociétés continuent de s’enrichir, ce qui profite aux générations qui se succèdent. En outre, les mobilités sociales ascendantes [1]demeurent, pour le moment, plus nombreuses que les mobilités descendantes. Mais les jeunes générations n’ont pas rêvé : le déclassement est loin d’être un fantasme. Les mobilités descendantes s’accroissent, les mêmes diplômes ne permettent plus d’accéder aux mêmes emplois et les conditions d’emploi se sont nettement dégradées. Les jeunes subissent bien plus lourdement que les générations précédentes les conséquences de la crise.

L’ascenseur social fonctionne toujours…

La première façon d’appréhender le phénomène consiste à observer l’évolution globale de la structure des emplois. La part des métiers du milieu et du haut de l’échelle sociale continue d’augmenter. Le nombre d’emplois de cadres supérieurs est passé de 1,7 million à 4,2 millions entre 1982 et 2008, selon l’Insee, soit une hausse de 135 %. De la même façon - mais avec une ampleur moindre -, le cœur des classes moyennes (les "professions intermédiaires") a progressé de 4,6 à 6,2 millions (+ 34 %). Ces deux groupes représentaient 28 % de l’ensemble des emplois en 1982, contre 40 % aujourd’hui. La structure globale des emplois continue donc à être tirée vers le haut, du fait notamment de l’essor des services.

Ce mouvement n’est pourtant pas univoque. Si, au bas de l’échelle, l’emploi ouvrier s’est très nettement réduit, de 6,8 à 5,8 millions, le nombre d’employés [2] a progressé quasiment autant en nombre que celui des cadres, de 5,6 à 7,6 millions, devenant la catégorie socioprofessionnelle la plus importante avec 29 % des emplois. Au total, l’ensemble ouvriers-employés continue de représenter un peu plus de la moitié des actifs occupés.

Les jeunes générations ont tiré parti de ce phénomène. Pour le mesurer, il faut s’intéresser au processus de mobilité sociale, c’est-à-dire comparer la situation des individus à un moment de leur carrière à celle de leur père au même âge. De ce point de vue, la mobilité totale demeure très conséquente. En 2003, les deux tiers des 40-59 ans n’appartenaient pas au même groupe social que leur père. Une partie des générations issues de catégories les moins favorisées a grimpé dans l’échelle sociale : 23 % des cadres de 2003 ont un père ouvrier, 11 % un père employé et 8 % un père agriculteur. Comme l’a noté Eric Maurin (voir "pour en savoir plus"), parmi les actifs occupés issus du monde ouvrier, sortis de l’école depuis moins de cinq ans en 2008, 30 % étaient cadres, contre 13 % en 1982. L’ascenseur social n’est pas arrêté contrairement à ce qui est parfois dit.

… mais plus lentement

Bon nombre de jeunes adultes, qui se battent pour prendre pied dans l’emploi, doivent se frotter les yeux à la lecture de telles données. Plusieurs éléments expliquent ce décalage entre leur perception et ce que racontent ces chiffres. D’abord, les données précédentes mesurent une mobilité "totale", où l’évolution de la structure des emplois joue un rôle important. Quand le nombre d’agriculteurs diminue, mécaniquement moins de fils d’agriculteurs occupent le métier de leur père. Et inversement avec les cadres. Pour mesurer précisément l’évolution des "chances" d’accès à telle ou telle profession, les statisticiens calculent une mobilité "nette". Cet indicateur, parfois qualifié de "fluidité sociale", est mesuré en déduisant l’impact des transformations de la structure des emplois. On mesure par exemple la probabilité qu’un fils d’ouvrier devienne cadre en déduisant l’effet de la progression du nombre de cadres. Cette mobilité nette évolue très peu : elle est passée de 37 % à 43 % de l’ensemble des emplois entre 1977 et 1993, puis redescendue à 40 % en 2003. Les fils de cadres ont aujourd’hui huit chances sur dix d’occuper une position sociale supérieure à celle des enfants d’ouvriers, probabilité supérieure à celle de 1993, note l’Insee [3].

Par ailleurs, la mobilité sociale totale rassemble des flux de montée et de descente dans l’échelle sociale. Certes, les montées demeurent plus fréquentes que les descentes. Mais, comme l’a montré Camille Peugny (voir "Pour en savoir plus"), le rapport entre les deux se réduit sérieusement : les montées étaient 2,2 fois plus nombreuses que les descentes pour les 35-39 ans nés entre 1944 et 1948 ; elles ne sont plus que 1,4 fois plus nombreuses pour les générations nées entre 1964 et 1968. Autrement dit, l’ascenseur continue de monter, mais de plus en plus lentement.

Entre ces deux groupes, la part des trajectoires descendantes est passée de 25 % à 35 %. Et cela ne permet pas de juger de ce qui se passe précisément aujourd’hui, car les dernières données disponibles datent de 2003 et portent sur les hommes âgés d’au moins 35 ans. A cet âge, les dés sont globalement jetés et l’espoir de monter dans la hiérarchie sociale devient mince, surtout en France où la formation professionnelle est peu développée. Mais on ne sait rien du sort des générations nées à partir des années 1970 : en 2003, elles n’avaient encore que 33 ans… Or, ce sont elles qui ont subi le plus la montée du chômage de masse. Pour elles, l’ascenseur n’est-il pas réellement bloqué ?

Le déclassement en cours de carrière
La mobilité sociale en cours de carrière s’accroît. Entre 1998 et 2003, 17 % des femmes et 21 % des hommes de 30 à 54 ans ont changé de groupe social, contre 11 % et 14 % entre 1980 et 1985 [4]. Certes, la mobilité ascendante a fortement augmenté, passant de 9,7 % à 13,2 % chez les hommes et de 6,6 % à 9,7 % chez les femmes. En partie parce que les emplois de cadres supérieurs se développent. Mais, aussi, comme le note l’Insee, pour une raison moins positive : "Cette forte hausse est sans doute le signe, pour les jeunes, de recrutements effectués de plus en plus souvent en dessous du niveau de compétence, ces déclassements étant compensés ensuite par des promotions vers des métiers plus en accord avec la formation initiale."
Au bout du compte, les trajectoires ascendantes seraient moins marquées, mais, en même temps, ce phénomène tempère l’ampleur du déclassement à l’embauche. L’Insee note que la filière administrative de promotion chez les femmes, d’employée à profession intermédiaire, et la filière technique chez les hommes, d’ouvrier non qualifié à qualifié et d’ouvrier qualifié à technicien ou contremaître, continuent à fonctionner.
Durant la même période, la proportion de trajectoires descendantes a plus que doublé, de 3,2 % à 7,4 % chez les hommes et de 3,1 % à 7,1 % chez les femmes, soit un total de quelques 800 000 personnes concernées. Le déclassement en cours de carrière reste très minoritaire, mais il est loin de n’être qu’un "ressenti". Pour beaucoup, cette dégradation fait suite à une période de chômage, qui implique par la suite d’accepter un poste de niveau inférieur pour revenir dans l’emploi.

Plus diplômés, mais moins bien lotis ou au chômage

De fait, le monde du travail a bien changé entre les générations des années 1940 et 1950, qui ont commencé à travailler au beau milieu des Trente Glorieuses, et les suivantes. En 1975, le taux de chômage des 15-24 ans était de 5 % ; trente-cinq ans plus tard, il approche les 25 %. En outre, pour cette même classe d’âge, le taux de précarité [5] est passé de 18 % à 51 % entre 1982 et 2008. Ceci sans compter le développement du temps partiel subi, des stages et autres formations plus ou moins sérieuses. Bref, si l’on considère le statut d’emploi, le déclassement est loin d’être un fantasme. Pour une part d’ailleurs, on compare des groupes sociaux qui n’ont de commun que le nom : le statut de cadre supérieur a aujourd’hui peu de chose à voir avec celui qu’il avait dans les années 1950. Les conditions de travail des ouvriers se sont améliorées, si l’on se place sur le temps long, mais en haut de la pyramide, la condition des cadres s’est dégradée. Le groupe a intégré des emplois où l’appellation d’"encadrant" se réfère à un niveau de diplôme (la licence), mais qui ne s’accompagnent que de responsabilités - et de salaires - limités.

Un autre élément explique le décalage entre les statistiques sur la mobilité sociale totale et la perception qu’en ont les jeunes générations : l’élévation considérable du niveau de qualification. Entre 1982 et 2008, la part des 15-25 ans ayant au moins le niveau du bac ou du brevet professionnel est passée de 25,1 % à 54,7 %. En 1975, 170 000 jeunes sortaient du système scolaire sans aucune qualification [6], c’est-à-dire au maximum avec le niveau de la troisième. Trente-cinq ans plus tard, ils ne sont plus que 42 000. Même si l’investissement scolaire tend à se réduire depuis le milieu des années 1990, il a été massif en France, notamment dans les années 1980. Or, parce qu’elles sont bien plus diplômées que leurs devancières, les jeunes générations arrivent sur le marché du travail avec des attentes plus élevées.

Mais la crise a raréfié le nombre d’emplois disponibles et a durci la concurrence. Dans toutes les couches sociales, obtenir un bon diplôme est devenu une préoccupation majeure, comme le montre l’exemple des familles ouvrières [7]. Un jeune peut avoir fait des études plus longues que ses parents, mais se retrouver en situation délicate au moment d’entrer sur le marché du travail. Comptant sur un volant important de main-d’œuvre en recherche d’emploi, les entreprises ont en effet élevé leurs exigences en matière de qualifications bien au-delà du nécessaire.

Dans un pays où l’on sacralise le titre scolaire au point qu’il suit le salarié tout au long de sa vie professionnelle, ce phénomène est particulièrement aigu. Comme l’indique Eric Maurin, parmi les jeunes sortis de l’école depuis moins de cinq ans en 2008, 47 % des non-diplômés étaient au chômage, contre 7 % des diplômés du supérieur. Le niveau des diplômes n’a pas baissé et ceux-ci demeurent un atout essentiel contre le chômage. Mais le niveau d’emploi auquel certains diplômes permettent d’accéder a diminué. Le bac général n’offre plus les mêmes débouchés que du temps où seule une minorité y avait accès. Le bac pro a parfois remplacé le CAP pour les emplois d’ouvriers et le BTS pour certains postes d’employés des services [8].

Ce déclassement professionnel par rapport au diplôme (entendu comme le fait de posséder un niveau de formation supérieur à celui requis en théorie pour l’emploi occupé) est loin d’être un fantasme. Les études du Centre d’études des revenus et des qualifications (Céreq) sur les générations entrant sur le marché du travail le montrent. Selon le type de critère utilisé, il concernerait entre 21 % et 28 % des jeunes ayant terminé leurs études en 1998 et en emploi en 2001 [9]. Avec des taux qui vont de 15 % pour les diplômés d’une grande école ou d’un troisième cycle universitaire, à 49 % pour les titulaires d’un bac général seul. Et encore, ces données sous-estiment le phénomène, du fait de la vive croissance qui existait à l’époque.

Peut-on mettre fin au déclassement ? Modifier le cours des choses prendra du temps. Au fil des générations, on peut imaginer que les aspirations finissent par s’ajuster à un marché du travail dégradé. D’ailleurs, des enquêtes du Céreq sur les années 1990 avaient déjà montré une baisse du sentiment subjectif de déclassement chez les jeunes [10]. De façon plus positive, un redémarrage durable de l’activité économique et des créations d’emplois importantes modifieraient la donne à long terme (mais sans doute davantage pour les nouveaux embauchés que pour ceux qui occupent déjà des emplois déclassés).

Au-delà, c’est la logique de classement elle-même qui pose problème : la hiérarchie des places [11] est d’autant plus pesante en France qu’il existe peu de possibilité de rattrapage, notamment en termes de formation professionnelle. Réduire ces hiérarchies, de l’école à l’entreprise, permettrait à la fois de faciliter la mobilité (les échelons moins nombreux se gravissent plus facilement) et de limiter l’ampleur des déclassements.

Louis Maurin

Cet article est extrait d’Alternatives Economiques Hors-série n° 085, avril 2010

En savoir plus

- Le déclassement, par Camille Peugny, coll. Mondes vécus, éd. Grasset, 2009.

- La peur du déclassement, par Eric Maurin, coéd. La République des idées/du Seuil, 2009.

© Elenathewise - Fotolia.com



[1] Le fait de s’élever dans l’échelle sociale

[2] Catégorie de niveau de vie et de diplôme très similaire aux ouvriers

[3] Voir "En un quart de siècle, la mobilité sociale a peu évolué", par Stéphanie Dupays, Données sociales 2006, Insee, 2006.

[4] Voir "Changer de groupe social", Insee première n° 1112, décembre 2006.

[5] Taux de précarité : nombre de contrats à durée déterminée, intérim et apprentissage rapporté à l’emploi total.

[6] Ce nombre est souvent grossi par confusion avec le nombre de jeunes sans diplôme, dont certains sont allés jusqu’à la fin de la terminale.

[7] Voir "Les familles ouvrières face au devenir de leurs enfants", par Tristan Poullaouec, Economie et statistique n° 371, 2004

[8] Voir "Les diplômes ne valent plus rien", dans "30 idées reçues sur l’emploi et les métiers", Alternatives Economiques poche n° 42, janvier 2010.

[9] Voir "Le déclassement des jeunes sur le marché du travail", Données sociales, Insee, 2006.

[10] Voir "Le déclassement des jeunes diplômés, mythe et réalité", dans "L’état de l’emploi", Alternatives Economiques Pratique n° 32, janvier 2008.

[11] Voir Les places et les chances, par François Dubet, coéd. La Républiques des idées/du Seuil, 2010.

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21 décembre 2010 2 21 /12 /décembre /2010 14:05
Trente ans après Copernic
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Le jour même du 30ème anniversaire de l'attentat antisémite de la rue Copernic à Paris, le MRAP prend acte de la publication de documents montrant le rôle personnel de Pétain dans l'élaboration du statut des juifs, tel que promulgué par le gouvernement de Vichy en octobre 1940.

 

Comme le savaient déjà tous les historiens, ce statut infâme était une initiative de l'État français. Il marquait l'aboutissement logique des théories racistes développées en France par l'extrême-droite, depuis l’affaire Dreyfus.

La défaite militaire de 1940 permet alors à cette extrême-droite de prendre le pouvoir et d'appliquer les principes qui ont conduit à l’internement et à la déportation de dizaines de milliers de juifs et d’étrangers.

 

Si historiquement le génocide a été mis en place et exécuté par les nazis, ces derniers se sont inspirés de théoriciens de plusieurs pays, dont la France, et ils ont été aidés dans cette œuvre de mort notamment par les autorités françaises de l’époque : gouvernement, fonctionnaires, forces de l’ordre, milice. Cependant, de nombreux étrangers - juifs et non juifs - furent en France sauvés grâce à la désobéissance de citoyens écoutant leur conscience plutôt que les lois en vigueur.

 

Les préjugés antisémites n'ont pas disparu après la chute du nazisme. En témoigne la distinction effectuée après l'attentat de la rue Copernic par le premier ministre de l'époque, Raymond Barre, qui déclarait : « Cet attentat odieux qui voulait frapper les juifs se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ».

 

Au-delà des nécessaires commémorations, ces événements doivent nous rappeler que la stigmatisation de « l'autre » est souvent la première étape vers les discriminations et violences effectives, voire l'assassinat : juif et tsigane hier et aujourd'hui, musulman ou Rom aujourd'hui.

Aucun peuple n’est à l’abri de la xénophobie et du racisme que des gouvernements agitent dans les situations de crise.

Paris, le 4 octobre 2010

 

 
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21 décembre 2010 2 21 /12 /décembre /2010 14:03
40 manifestations contre la réforme des retraites

lundi 20 décembre 2010, par Frédéric Dayan

 

Les syndicats espagnols, UGT et CCOO, ont organisé samedi une quarantaine de manifestations contre la future réforme des retraites du gouvernement qui veut allonger la durée de cotisation et reculer l’âge de départ à la retraite à 67 ans.

"Il y aura une grève générale, en janvier" si José Luis Rodriguez Zapatero persiste à vouloir repousser à 67 ans l’âge légal de départ à la retraite a prévenu Ignacio Fernandez Toxo, des Commissions ouvrières (CCOO).

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21 décembre 2010 2 21 /12 /décembre /2010 13:59
Accablant pour la politique du gouvernement

mardi 21 décembre 2010

 

Un baromètre BVA pour Les Echos et France Info, réalisé du 16 au 18 décembre et rendu public mardi, constate le peu de crédibilité que les Français accordent à l’action gouvernementale contre le chômage.

Alors que 64% des sondés considèrent que la lutte contre le chômage doit constituer une priorité pour le gouvernement, ils sont 42 % à penser que l’impact de la politique du gouvernement est nul, contre 32 % en 2009 et 35 % en 2008.

Parmi les autres priorités évoquées, 50 % des sondés pointent l’amélioration du pouvoir d’achat, 38 % la réduction des inégalités et 31 % la lutte contre l’insécurité.

Enfin, 68 % des personnes interrogées jugent la politique économique du gouvernement mauvaise, 25 % seulement la jugent bonne.

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21 décembre 2010 2 21 /12 /décembre /2010 12:13

 

 

Assises anti-islam : le MRAP avait raison de demander leur interdiction, et étudiera des poursuites pénales contre certains propos


Le MRAP avait demandé, ensemble avec d’autres, l’interdiction du congrès  raciste qui s’est tenu le week-end dernier à Paris sous le titre  « Assises sur l’islamisation de nos pays ». Ce ne fut cependant pas la  position du ministère de l’Intérieur et du préfet de police de Paris. Ce  dernier avait autorisé les « Assises », tout en avertissant qu’il
plaçait des fonctionnaires de police à l’intérieur pour relever d’éventuels propos violant la Loi.

Or, le MRAP demande publiquement aux autorités quel est le bilan qu’elles tirent finalement, aujourd’hui, des propos entendus lors de ces « Assises ». Certains sont tout simplement grotesques, tel que le propos de cet activiste anti-musulman des Etats-Unis qui expliqua doctement que les musulmans hostiles à l’Occident seraient aujourd’hui « une menace plus perfide et plus mortelle » qu’ « Adolf Hitler en ses meilleurs jours ».

D’autres, en revanche, ne sont pas simplement choquants mais tombent sous le coup de la Loi, à titre d’incitation publique à la haine.

L’écrivain Renaud Camus prétend, ainsi, que l’immigration obéit à un gros plan – d’autres parleraient de complot anti-national – pour arriver « à un grand remplacement », celui du peuple par les arrivants. Ainsi explique-t-il l’insécurité : « Nous n’avons pas affaire à des voyous, mais à des soldats », dont l’objectif serait de faire fuir les « indigènes » blancs. L’immigration d’hommes, de femmes et d’enfants n’est pas seulement décrite dans les termes du complot, mais présentée comme une agression militaire.

Un autre orateur, Jacques « Philarcheïn », présenta les immigrés comme des « faux pauvres », opposés à des « travailleurs la plupart du temps nationaux ». Alors qu’il parle d’immigration en général, l’orateur a prétendu que ces « pauvres de revendication et non pas de condition » vivraient, en réalité, fort bien « grâce aux prestations sociales et au crime ».

Le MRAP interpelle les pouvoirs publics pour savoir quelles sont les poursuites qu’ils comptent engager, aujourd’hui. De son côté, il étudiera les moyens de poursuites judiciaires à engager par lui-même.

Paris, le 20 décembre 2010.

--
Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples
43 bd Magenta - 75010 Paris - Tél. : 01 53 38 99 99
Site web : http://www.mrap.fr
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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 19:26

COMMUNIQUE DE PRESSE "NON, le docteur ne prend pas la CMU !"

 

SOS Racisme Loire a effectué un testing téléphonique de 80 praticiens libéraux, choisis de manière aléatoire sur le fichier AMELI de la CPAM. L’objectif du testing était de vérifier l’existence ou non de discriminations à l'égard des titulaires de la CMU, discriminations qui se manifesteraient par des refus de leur accorder des RDV et par conséquent des refus de soins par certains médecins. 

 

Le testing a révélé des pratiques douteuses et discriminatoires par certains professionnels à l'égard des titulaires de la CMU. En effet, des refus de rendez-vous ont été constatés, notamment auprès des chirurgiens-dentistes, ophtalmologues et gynécologues, notamment 20% de refus chez les chirurgiens-dentistes.

 

Nous tenons aussi à attirer votre attention sur des pratiques humiliantes vis-à-vis des titulaires de la CMU : un médecin a accordé un rendez-vous à un testeur, mais lorsqu'il a su que ce dernier avait la CMU, il lui a rétorqué ceci : "votre rendez-vous n'est pas validé. Il faut passer au cabinet et on verra."

 

Certains professionnels de santé invoquent des difficultés de remboursement liées aux procédures administratives pour justifier le refus de soins, il n’en demeure pas moins que le refus de soins constitue un délit, qu'il existe des règles déontologiques avec le serment d'Hypocrate et que les victimes sont les malades titulaires de la CMU puisqu'elles en subissent les conséquences.

 

SOS Racisme Loire reste vigilante sur la question des discriminations à l’encontre des bénéficiaires de la CMU.

Nous faisons partie de la commission pour l'égalité des chances (COPEC) de la préfecture et nous travaillons avec elle sur cette problématique. Un certain nombre de propositions ont été faites à cette occasion, notamment de faire un travail d'information à l'égard des titulaires de la CMU afin que ces derniers soient mieux au courant de leurs droits. Les représentants des professionnels de la santé sont invités à participer aux COPEC afin de travailler ensemble.

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Maxime Aicardi

Chargé de développement local
SOS Racisme Loire

Tél : 06.32.18.70.79
www.sosracismeloire.com

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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 08:51
Le colonialisme à l'œuvre
Il y a cinquante ans: l'ordonnance d'octobre 1960

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il y a cinquante ans, le 15 octobre 1960, le gouvernement français promulguait l'ordonnance suivante, prise à l'initiative de Michel Debré, alors Premier ministre: extrait: «...les fonctionnaires de l'Etat et des établissements publics de l'Etat en service dans les DOM dont le comportement est de nature à troubler l'ordre public peuvent être, sur la proposition du préfet et sans autre formalité, rappelés d'office en métropole par le ministre dont ils dépendent pour recevoir une nouvelle affectation».
C'était l'époque de la guerre d'Algérie et le parlement avait accordé au gouvernement français les pleins pouvoirs pour légiférer par ordonnance. Et celle du 15 octobre 1960 fut élargie aux Antilles-Guyane et à l'île de la Réunion.
En ce qui concerne les dits «départements d'outre mer», il s'agissait de réduire au silence un certain nombre de fonctionnaires, militants anticolonialistes, autonomistes ou indépendantistes. La plupart d'entre eux furent mutés, en Corse, en Afrique, en France. Certains refusèrent et furent exclus de la fonction publique; ce fut le cas de Georges Mauvois, Armand Nicolas, Walter Guitteaud, Guy Dufond, dirigeants du Parti communiste martiniquais. Edouard Glissant fut aussi interdit de séjour dans son île natale pour avoir été l'un des fondateurs du front antillo-guyanais pour l'autonomie, de même, l'avocat, Marcel Manville. En Guadeloupe, Yvon Leborgne professeur de Philosophie fut exilé en Corse, Albert Beville (dit aussi Paul Niger), haut fonctionnaire, fut rétrogradé et interdit de séjour en Guadeloupe, Combé, membre du Parti Communiste guadeloupéen, professeur de Philosophie, fut contraint de s'exiler au Congo. Des fonctionnaires français qui avaient protesté contre la situation coloniale aux Antilles furent aussi mutés, comme MM. Beaumatin et Alain Plenel. Le premier fut exilé en Tunisie, le second, recteur en Martinique à l'époque, père d'Edwy Plenel, le journaliste, fut brutalement expulsé de l'île pour avoir dénoncé la répression sanglante de décembre 1959 en Martinique et exprimé sa solidarité avec les émeutiers.
Pour ce qui est des 13 fonctionnaires réunionnais réprimés, ils étaient tous membres du parti communiste réunionnais ou apparentés. Parmi eux, Gervais et Nelly Barret, Boris et Clélie Gamaleya se mirent en grève de la faim du 10 au 25 janvier 1972.
Cette ordonnance fut abrogée en 1972. Les fonctionnaires réunionnais purent revenir chez eux. Puis, en 1975 ce fut la réintégration des fonctionnaires antillais. Pendant dix sept ans, procès, pétitions, protestations, mobilisations des organisations anticolonialistes, des partis communistes et des étudiants se succédèrent pour réclamer l'abrogation de l'ordonnance et la réintégration des fonctionnaires réprimés. Et il fallut même attendre 1981 pour que certains recouvrent pleinement leurs droits.

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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 08:37

L'académicienne Jacqueline de Romilly, spécialiste de la civilisation et de la langue grecques, est morte  samedi à l'âge de 97 ans, indique, dimanche, son éditeur Bernard de Fallois. Née le 26 mars 1913 à Chartres (Eure-et-Loir) d'un père professeur de philosophie et d'une mère romancière, Jacqueline David a très vite été première : deux fois lauréate du Concours général, ouvert pour la première fois aux femmes en 1930, elle sera la première femme reçue à l'Ecole normale supérieure en 1933, puis à l'agrégation de lettres en 1936.

 

Professeur de lycée à partir de 1939, elle est nommée maître de conférences (1949), puis professeur titulaire (1951) à la faculté des lettres de Lille, avant d'être professeur de langue et littérature grecques à la faculté des lettres de Paris (1957-1973).

Elle a été la première femme professeur au Collège de France pour chaire "La Grèce et la formation de la pensée morale et politique" (1973-1984) puis la première femme élue à l'Académie des inscriptions et belles lettres (1975). Spécialiste de la civilisation et de la langue grecques, elle est l'auteur de très nombreux ouvrages sur cette période, notamment sur l'historien Thucydide, le théâtre d'Eschyle et d'Euripide et la guerre du Péloponnèse.

 

 

Jacqueline de Romilly, qui incarnait l'enseignement des études grecques classiques en France ainsi qu'une conception exigeante et humaniste de la culture, a écrit, en plus de 60 ans, de très nombreux ouvrages. En 1988, elle était devenue la deuxième femme élue à l'Académie française, après Marguerite Yourcenar. Elle en était la doyenne  depuis la mort de Claude Lévi-Strauss en 2009. Membre correspondant étranger de l'Académie d'Athènes, elle avait obtenu la nationalité grecque en 1995 et avait été nommée ambassadrice de l'hellénisme en 2000.



"C'est une perte pour notre pays", a réagi sur France Info Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie Française. "C'est une femme qui a porté toute sa vie la langue et la culture grecques parce qu'elle considérait (...) que c'était une éducation (...) à la compréhension de la liberté de l'individu, de l'attachement à la démocratie", a-t-elle souligné.

"Elle a souffert énormément depuis quelques dizaines d'années de voir l'étude de cette langue décliner, et cela a été pour elle un immense chagrin", a-t-elle ajouté, jugeant que le meilleur hommage à lui rendre "serait d'attacher plus d'importance désormais à la langue grecque dont elle a été le plus grand défenseur dans notre pays".

dans  LEMONDE.FR

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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 08:10

 Marine Le Pen n’est pas le problème...
Marine Le Pen n’est pas le problème...

vendredi 17 décembre 2010, par Alain Gresh

 

Les déclarations de Marine Le Pen sur les prières musulmanes dans les belles rues de la belle France ont suscité des protestations indignées : la fille ressemblait à son père, rien n’avait changé au Front National. Qu’a donc déclaré le 10 décembre l’aspirante à la succession ? « Il y a quinze ans on a eu le voile, il y avait de plus en plus de voiles. Puis il y a eu la burqa, il y a eu de plus en plus de burqa. Et puis il y a eu des prières sur la voie publique (...) maintenant il y a dix ou quinze endroits où de manière régulière un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires. (...) Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde guerre mondiale, s’il s’agit de parler d’occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça c’est une occupation du territoire » Avant d’ajouter : « Certes y’a pas de blindés, y’a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants. »

C’est le terme d’occupation qui a choqué et, par association d’idées, renvoyé la fille dans les filets de l’histoire et des dérapages contrôlés du père sur la seconde guerre mondiale et autres « détails ». Mais ce que peu de commentateurs reconnaissent, c’est que cette diabolisation de l’islam et des musulmans n’est plus l’apanage de Le Pen : elle est reprise par les partis politiques et les médias, de droite comme de gauche, qui ne cessent d’agiter l’idée d’une menace musulmane, du foulard à la burqa, du terrorisme aux mosquées. Voici bien longtemps que, en chœur, ils agitent des thèmes et des peurs qui, dans les années 1980, étaient l’exclusivité de l’extrême droite.

 

Ces thèmes avaient été très opportunément rappelés en 1991 par l’ouvrage Face au racisme, (La Découverte), dirigé par Pierre-André Taguieff, avant que ce dernier ne se convertisse lui-même aux thèses du Front national qu’il combattait à l’époque. Ses auteurs ont étudié l’argumentation xénophobe du Front national et ont consacré un chapitre à l’islam, « une religion incompatible avec nos traditions culturelles », et au relevé des arguments du FN ou des déclarations de ses dirigeants.

 

J’avais repris ces six arguments du Front National dans un précédent billet (« Peut-on encore critiquer l’islam ? (II) - La lepénisation des esprits ») et montré comment ils sont devenus des thèmes récurrents dans les médias et dans les formations politiques.

Parmi ces thèmes, le fait que « ce sont les étrangers musulmans qui veulent aujourd’hui imposer leurs coutumes : aujourd’hui, les mosquées et le port du foulard à l’école, demain la polygamie et la loi coranique pour le mariage, l’héritage et la vie civile ». Le fait que le FN n’a plus le monopole de ces thèmes est illustré par les tentatives de faire croire que nos banlieues vivent à l’ère de la charia et de l’oppression des femmes, qu’elles sont remplies de sauvageons à la fois islamistes et mafieux, dont le comportement s’explique par le Coran.

 

WikiLeaks nous a ainsi appris que l’organisation Ni putes ni soumises, qui reçoit des centaines de milliers d’euros de subvention publiques alors qu’elle ne compte que quelque centaines d’adhérents, est allée expliquer à l’ambassade américaine à Paris, durant les émeutes de l’automne 2005, que les islamistes étaient derrière les troubles : « Une responsable de l’association Ni putes ni soumises tente de leur expliquer que les émeutiers sont des islamistes aux barbes rasées mais les Américains font comprendre qu’ils ne croient pas beaucoup à cette thèse » (« Wikileaks : Les Américains meilleurs en analyse que les politiciens Français. Les médias remis à leur place et NPNS, toujours dans un virtuel fantasme de barbus... », Luc Bronner, Le Monde, repris sur le site du Collectif contre l’islamophobie en France). Ce n’est pas Marine Le Pen qui parle…

Cette même association, qui a reçu 50 000 euros pour débuter, le 25 novembre, un dialogue avec les femmes portant la burqa, se révèle incapable d’assumer cette tâche, ses militants ne sachant sans doute même pas comment on se rend dans ces banlieues occupées par les barbus (lire Stéphanie Le Bars, « Voile intégral : la médiation auprès des femmes n’a pas commencé », Le Monde, 26 novembre 2010). Qu’elles deviennent alors les porte-parole d’Eric Besson et d’un racisme d’Etat ne saurait étonner. (Lire le texte de Sylvie Tissot, « Toujours plus soumises ! », Les mots sont importants, 2 novembre 2010).

Autre exemple, celui du documentaire produit par Daniel Leconte, La Cité du mâle, et diffusé par Arte (lire Mona Chollet, « Sur Arte, un “féminisme” anti-immigrés », 1er octobre 2010). Ce documentaire n’est pas seulement islamophobe – Daniel Leconte est un habitué de ces propos et de la mélancolie coloniale –, mais il a été truqué pour donner une image préconçue, ce qui n’empêche pas Arte, « la chaîne culturelle » (de la culture blanche bien sûr), de continuer à le défendre.

Un certain nombre d’éléments à charge ont été présentés par le documentariste Ladji Real qui a réalisé une contre-enquête, dont plusieurs organes de presse rendent compte. Ainsi, LesInrocks.com, « La Cité du mâle : une contre-enquête pour dénoncer les dérives des médias », 16 décembre. Ou Isabelle Hanne, « La “cité du mâle”, bobards en barres », Libération, 17 décembre (accessible uniquement aux abonnés). Plus critique du caractère hâtif de la démarche de Real : le Bondy blog, « “La cité du mâle” passe en correctionnelle ».

Enfin, dans la stigmatisation des musulmans, on aurait tort d’oublier Alain Finkielkraut qui tient les mêmes propos que Marine Le Pen sans être diabolisé (lire Sébastien Fontenelle, « Suivant Que Vous Serez La Pen Ou Finkielkraut... », les blog de Politis, 11 décembre 2010).

 

Ne soyons pas schématiques. L’association Ni putes ni soumises a pu être critiquée ici ou là ; le documentaire produit par Daniel Leconte aussi ; certains propos de Finkielkraut aussi, mais sans que cela change la petite musique de fond qui domine le discours politique et médiatique... Et les propos de Marine Le Pen, s’ils suscitent des réactions, amènent avant tout les responsables politiques à affirmer qu’il ne faut pas laisser le terrain au Front national. Un ancien premier ministre socialiste disait que Le Pen posait les bonnes questions, mais apportait les mauvaises réponses. Qui prendra conscience que le FN pose de mauvaises questions et que tenter d’y répondre, c’est faire son jeu ? Avec Ni putes ni soumises, avec Daniel Leconte, avec Alain Finkielkraut, on n’a pas besoin de Marine Le Pen pour stigmatiser les musulmans, l’islam et les banlieues.

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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 08:02

 

Survivance berlusconienne

 

Dimanche 19 décembre 2010

 

 

Par 162 voix contre 135 (et onze abstentions) sur 308, au Sénat de la République, et 314 voix contre 311 (et deux abstentions) sur 630, au Palazzo Montecitorio (la Chambre des députés), le chef du gouvernement italien, M. Silvio Berlusconi, a finalement écarté les deux motions de défiance déposées contre lui. La première était introduite par les chrétiens-démocrates de l’Union du centre (UDC), menée par M. Pier Ferdinando Casini et soutenue par M. Gianfranco Fini et les députés de Futur et liberté pour l’Italie (FLI). La seconde par le Parti démocrate (PD), dirigé par M. Pier Luigi Bersani.



Si le président du Conseil a remporté in extremis le vote de confiance, mardi 14 décembre, l’épisode révèle néanmoins une nouvelle phase des fièvres de la vie politique italienne. M. Berlusconi a obtenu le soutien inattendu de deux parlementaires proches de M. Fini et de deux autres issus du centre gauche et du parti l’Italie des valeurs, la formation du juge Antonio Di Pietro. Intrigues, trahisons, corruption (la presse avance la possibilité d’achat de votes – « mercato dei voti »–, de promesses de postes lors de l’avant vote, etc.) caractérisent un jeu institutionnel dans lequel la représentation nationale se révèle toujours plus déconnectée du corps social.



L’enjeu était de taille, puisqu’il s’agissait pour le Cavaliere de sauver son gouvernement et, ce faisant, de s’offrir une respiration concernant son avenir judiciaire personnel. En effet, parmi les « réformes » engagées par l’actuel gouvernement, celle de la justice intéresse tout particulièrement M. Berlusconi. Il entend renforcer, dans le court terme, son immunité judiciaire tant qu’il peut se maintenir à la tête du gouvernement.



Malgré ce succès, que beaucoup qualifient de « victoire à la Pyrrhus », le chef du gouvernement aura du mal à éviter l’organisation d’élections anticipées dans les prochains mois. En effet, sa faible majorité instable, acquise dans des conditions qui demeurent aujourd’hui obscures, réduira sa marge de manœuvre. D’autant que les chances de nouer une nouvelle alliance avec l’UDC (ce qu’il dit souhaiter) et son encombrant allié de la Ligue du Nord sont pratiquement nulles.



En effet, les centristes ont annoncé, le 16 décembre, la création d’un « troisième pôle » parlementaire de centre droit – le « Pôle de la nation » –, regroupant 100 députés dans « une opposition responsable » qui pourrait se transformer en coalition électorale. Il rassemblera les amis de M. Fini du FLI, ceux de Francesco Rutelli, aujourd’hui réunis au sein de l’Alliance pour l’Italie (API), ainsi que les parlementaires siciliens du Mouvement pour l’autonomie (MPA), dirigé par Raffaele Lombardo.

Quant au fondateur de la Ligue du Nord, M. Umberto Bossi, il a déjà fait savoir que la Lega était favorable à de nouvelles élections. Le Senatùr estime que sa réforme sur le fédéralisme fiscal ne pourra voir le jour dans la situation actuelle et que son parti pourrait, une nouvelle fois, progresser significativement à l’occasion d’un vote anticipé.

De son côté, le patronat italien, bien que préoccupé par les conséquences d’une instabilité politique sur les marchés financiers, ne soutient plus par principe Berlusconi. La présidente de la Confindustria, Emma Marcegaglia (dont l’opposition au Cavaliere est connue), a expliqué : « Il y a un problème de compétitivité, de croissance. Il faudra mener des réformes impopulaires. Nous avons besoin d’un gouvernement ayant la capacité de gouverner pleinement. Nous espérons que dans les prochains jours, il puisse y avoir un élargissement de la majorité ».



Si l’espace politique de M. Berlusconi se réduit, la perspective d’une nouvelle élection ne garantit en rien une victoire d’une gauche divisée, dépourvue de programme politique alternatif, et même de leader. Les sondages donnent d’ailleurs une avance significative à l’alliance entre le parti de M. Berlusconi, le Peuple de la liberté (PDL) et la Ligue du Nord en cas de retour aux urnes…

Pendant que le théâtre d’ombres de la démocratie italienne révélait au public sa nouvelle création, des dizaines de milliers de personnes rassemblées dans le mouvement « Unis contre la crise » (étudiants en lutte contre la réforme « Gelmini » de l’Université, syndicalistes, comités citoyens victimes du tremblement de terre de L’Aquila et du scandale sanitaire et financier des décharges de Naples, mouvements sociaux, etc.) manifestaient dans plusieurs villes du pays (Rome, Naples, Milan, Palerme, etc.) contre les politiques économiques et sociales du gouvernement. Dans un pays où le chômage frappe un jeune sur quatre et dans lequel la population dans son ensemble souffre des effets des politiques d’austérité mises en place par le gouvernement depuis plusieurs mois, ces mobilisations suggèrent la montée en puissance d’un mouvement social dans tout le pays. Pourtant, ce dernier a été minoré par les médias italiens du fait des violences qui ont émaillé la journée d’actions, notamment dans la capitale. On dénombre quatre-vingt-dix blessés et une quarantaine d’arrestations. Rebaptisées « affrontements » ou « guérilla criminelle » par les principales chaînes de télévision et les journaux, ces manifestations ont été reléguées à la rubrique « faits divers » .



La vie politique italienne agit souvent comme un miroir grossissant où s’exacerbent les tendances politiques de fond agissantes en Europe : dérive de la social-démocratie vers le centre et dissolution progressive de la gauche, bipartisme, droitisation de la société et montée d’une nouvelle droite extrême, réactionnaire et xénophobe, capable de capter le vote populaire, traditionnellement orienté à gauche, par le biais d’une rhétorique et de thématiques renouvelées, notamment sur le terrain de la question sociale et du travail.

Christophe Ventura
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